La justice

10 avril 2025 | Éditoriaux

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La justice

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Il est de bon ton, confronté à une problématique sécuritaire, de pointer du doigt le supposé laxisme de la magistrature. Dès lors de rappeler, si besoin est, que plus de 30% des magistrats sont affiliés au syndicat de la magistrature, sous-entendu un repaire de gauchistes. Ces derniers feraient leur métier non pas pour, aveuglément, balancer les droits entre deux parties mais pour rétablir ce qu’ils pensent être un équilibre social de classe entre les nantis et ceux qui ne le sont pas.

Il est de bon ton, confronté à un litige sensible, de commenter de plausibles décisions en supputant leur parti pris politique, les risques qu’elles pourraient faire courir à la démocratie, leur mansuétude incomprise ou leur sévérité qui ne le serait pas moins, dans les deux cas on y voyant l’influence du prévenu visé, à préserver par intérêt ou à sanctionner par principe.

Il est de bon ton, dès qu’une personnalité est mise en cause, de proclamer son amour et son respect pour la justice et ceux qui en sont les ordonnateurs, mais dans le même temps de mettre en cause leur impartialité pour se donner les moyens de revêtir les habits du martyr ou du saint selon la couleur prise par la décision.

Il est de bon ton, en somme, de faire des magistrats les boucs émissaires commodes de situations dont nous sommes responsables et dont on ne s’attendait pas à être vu et pris.

La sécurité publique telle que nous la connaissons en France repose sur une justice qui ne soit pas aux ordres d’un pouvoir politique ni gangrenée par des partis pris idéologiques. L’un ou l’autre de ces extrêmes n’ont pas leur place dans l’exercice de la fonction ô combien difficile de magistrats. Les juges politisés enfants de mai 68 ont vieilli et se sont assagis. Ceux qui sont aujourd’hui assez idiots pour afficher un « mur des cons » ou transformer en tribune politique un prétoire de tribunal n’honorent pas leur profession à laquelle ils causent plus de tort que de bien. Pour ceux qui fréquentent de temps à autre les audiences on ne peut être qu’admiratif devant la connaissance des dossiers dont les magistrats font preuve et, pour les audiences de flagrants délits, par leur souci, non pas d’être expéditifs mais simplement rapides dans le temps consacré à l’analyse de faits et au prononcé d’une sanction.

Il est de bon ton, de rappeler que la sécurité publique a besoin que la force régalienne soit contenue par la balance de la justice. Si cette dernière est absente on peut avoir peur pour la démocratie et l’exercice des libertés qui accompagne celle-ci.

Il est de bon ton, de souligner que les magistrats ne font qu’appliquer le droit qui a été écrit, voulu et voté par des parlementaires au risque que ces derniers s’en mordent les doigts.

Il est toujours étonnant d’entendre des élus vouloir de façon permanente une justice plus dure, plus résolue, plus inflexible, les adjectifs ne manquent pas mais que, de préférence, elle ne s’applique pas dans toute sa rigueur à eux. Oublieraient-ils que le juge n’est pas le législateur, que la loi est supposée être la même pour tous ? Le gouvernement des juges n’existe pas en France mais les juges peuvent, par leurs décisions et les conséquences de ces dernières, avoir un impact politique. Il en a toujours été ainsi, responsables mais pas coupables en somme.

Que cela plaise ou non à certains la liberté collective est la somme des libertés individuelles qui sont respectées. Si on souhaite substituer une notion de liberté collective qui s’imposerait aux libertés individuelles notre société risque de prendre une voie dangereuse.

Il est de bon ton de dire que les problèmes sécuritaires de notre société n’ont pas comme source une désinvolture de la magistrature. Quand le prévenu arrive devant le juge il y a eu de nombreuses étapes préalables où les services sociaux, l’éducation nationale, la police, sans que cette liste soit exhaustive, où n’ont rien vu où n’ont pu intervenir qu’après les faits incriminés. Le juge est, avec le gardien de prison, le dernier maillon d’une chaine de déficience ou de non-alerte qui aboutit à une sanction. Il est donc un peu facile d’en faire les responsables qui endosseraient sur leurs épaules le poids des déséquilibres de notre société.

Nicolas LEREGLE

Directeur des rédactions

nicolas.leregle@lessor.org

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