Il fut un temps, au tout début de leur irruption dans l’espace public, dans les années 1980, où les policiers municipaux étaient considérés comme des gardes champêtres en milieu urbain. La police nationale était parée de tous les attributs du droit et de l’autorité et servait encore de référence sécuritaire pour le citoyen. Le policier municipal était vu au mieux comme une résurgence valorisée des « aubergines » ou « pervenches » verbalisant le stationnement irrégulier au pire comme une lubie dangereuse de maires en mal de publicité locale ou d’autorité à montrer.
Cette vision semble oublier que la police municipale en tant qu’entité moderne est ancienne, elle a été formalisée par la loi du 5 avril 1884 sur l’organisation municipale. Cette loi fait des maires les responsables de l’ordre public dans leur commune et leur permet de créer une police municipale pour faire appliquer leurs arrêtés.
Pendant 100 ans la police municipale sans être invisible n’était pas incarnée, le pouvoir de police du maire s’exerçant généralement par le recours aux forces de l’ordre usuelles telles que police et gendarmerie.
A partir des années 1980 les choses évoluent en profondeur. La sécurité devient une préoccupation majeure des citoyens et l’insécurité vécue au niveau local n’était pas nécessairement traitée comme elle aurait dû. La suppression de la police de proximité par Nicolas Sarkozy qui avait été instituée quelques années auparavant s’est révélée une erreur privant les citoyens de repères sécuritaires comme auparavant les ilotiers avaient pu l’être.
Le développement des polices municipales a été une réponse approuvée par les populations. Depuis 1980, les effectifs des polices municipales ont atteint plus de 28 000 agents répartis dans 4 500 communes. Une grande majorité de ces polices municipales ont des effectifs restreints : 80% comptent moins de 10 agents et 50% deux agents ou moins. 80% sont armés et 58% possèdent des armes à feu mais leur présence présente de nombreux atouts. Pour l’Etat il se retrouve allégé d’une charge sécuritaire permettant de repositionner la police nationale sur des sites sensibles. Pour les communes elles adressent un signal fort dans leur lutte contre les incivilités du quotidien, les troubles à l’ordre public et les comportements agressifs sur la voie publique. Pour les citoyens la multiplication des uniformes bleus concourt à un ressenti de tranquillité favorisant le développement des commerces, des activités touristiques, la valorisation des biens immobiliers.
Il n’est donc pas étonnant que le président Emmanuel Macron ait souhaité mardi dernier lors de son entretien télévisé que le gouvernement légifère pour étendre les pouvoirs de la police municipale à certains actes, comme les saisines, les flagrances, les amendes forfaitaires, « sous l’autorité du procureur ». « Je souhaite que le gouvernement puisse prendre une loi qui donnera la possibilité, à tous les maires qui le souhaitent », que leur « police municipale puisse, avec son accord, travailler sous l’autorité du procureur pour pouvoir faire les saisines, les flagrances, les amendes forfaitaires délictuelles », a affirmé le président de la République dans un entretien sur TF1. Dans cet esprit la police municipale pourrait voir ses missions étendues auprès des forces de police nationale ou de Gendarmerie nationale pour gérer des situations qui aujourd’hui ne sont pas de leurs compétences.
On rappellera à toutes fins utiles qu’un « Beauvau des polices municipales », lancé il y a un an par l’ex-ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et relancé en février par François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre de l’Intérieur, pour repenser et élargir les prérogatives de ces policiers, doit aboutir à un projet de loi au Parlement d’ici juin.
On ne peut que saluer de telles initiatives en espérant qu’elles aboutissent. Il faudra quand même veiller à ce que les citoyens soient parfaitement informés des compétences des uns et des autres et éviter une confusion des genres et des prérogatives qui aboutirait à l’effet contraire de celui recherché, substituant à un sentiment de sécurité la désagréable impression d’être à la merci de l’arbitraire de petits shérifs locaux.
Nicolas LEREGLE
Directeur de la rédaction