Il est parfois des moments où le rapprochement de deux informations a un effet perturbant

22 avril 2025 | Éditoriaux

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Il est parfois des moments où le rapprochement de deux informations a un effet perturbant

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Depuis hier les médias expliquent que la consommation en France de cocaïne a explosé avec plus d’un million de consommateurs réguliers, venant en quelque sorte confirmer les informations quant au développement inquiétant du narcotrafic dans de nombreuses villes et campagnes avec, dans certains cas, son cortège de violence et de meurtres et de victimes collatérales aux activités criminelles stricto sensu. Rennes, Nantes, Avignon, Paris, Grenoble, Marseille, la litanie des villes dans lesquelles sont recensés des points de deal œuvrant au grand jour, pour ne pas dire dans une relative impunité, ne cesse de s’allonger et, depuis quelques années, les zones moins urbanisées sont elles aussi concernées. C’est après tout logique, la campagne offre une plus grande discrétion en termes de logistiques car, comme dans tout bon business, les entrepôts ne sont pas nécessairement accolés aux magasins ! En termes de clientèle tous les métiers et toutes les catégories sociales sont concernés ce qui explique l’accélération d’une diffusion nationale qui fait que la cocaïne, souvent considérée comme la drogue des VIP, est devenue la drogue de tout le monde ou presque.

La fable de jean de la Fontaine, « le rat des villes et le rat des champs » y trouve toute sa place, pour rappel des derniers quatrains :

A la porte de la salle
Ils entendirent du bruit :
Le Rat de ville détale ;
Son camarade le suit.

Le bruit cesse, on se retire :
Rats en campagne aussitôt ;
Et le citadin de dire :
Achevons tout notre rôt.

– C’est assez, dit le rustique ;
Demain vous viendrez chez moi :
Ce n’est pas que je me pique
De tous vos festins de Roi ;

Mais rien ne vient m’interrompre :
Je mange tout à loisir.
Adieu donc ; fi du plaisir
Que la crainte peut corrompre.

En dehors des villes, que le « rat » soit le client ou le dealer on est (ou était) plus tranquille.

Cette situation – développée dans le cadre de cette lettre à partir de l’exemple de Marseille, là aussi pointé par la Cour des Comptes – vient percuter en quelque sorte le rapport de cette institution qui pointe les incohérences des répartitions territoriales entre police et gendarmerie. Incohérences qui ne peuvent que faciliter les activités illégales des trafiquants de drogue.

A l’origine la répartition se voulait simple, la police dans les villes, la gendarmerie dans les campagnes. Cette répartition qui semble parfois ne pas avoir tenu compte du rattachement opéré en 2009 des forces de police et de gendarmerie sous l’autorité du ministre de l’Intérieur n’a pas non plus tenu compte de l’évolution sociologique et démographique de la France et de la délinquance qui s’y greffe.

La Cour des Comptes rappelle que la gendarmerie était chargée de la sécurité en milieu rural, et les polices, alors  municipales, l’étaient dans les villes. En 1941, le régime de Vichy a étatisé la police dans les communes de plus de 10 000 habitants, en transférant aux préfets certains pouvoirs des maires à travers le régime dit de « police d’État ». Ce régime a été étendu en 1996 à tous les chefs- lieux de départements, indépendamment de critères démographiques ou de niveau de délinquance. Et si quelques ajustements ont pu être opérés ils sont rarissimes et inexistants depuis une 10 ans.

Or si les buts poursuivis par la police nationale et la gendarmerie sont les mêmes, l’organisation actuelle, entre une police intervenant sur une circonscription (de plus de 20.000 habitants) délimitée et parfois de taille très réduite et la gendarmerie gérant des territoires plus étendus, semble avoir perdu de son efficacité. Or aujourd’hui certaines zones police font moins de 20.000 habitants et les gendarmes interviennent dans des communes qui sont en périphérie immédiate de grandes métropoles.

Une distinction qui opère une coupure de compétence source, parfois, d’inefficacité.

Aussi la Cour des Comptes recommande de transférer les petites circonscriptions de police à la gendarmerie, de transférer à la gendarmerie nationale l’ensemble des communes des départements ruraux et faiblement peuplés, chefs-lieux inclus et, parallèlement, de confier à la police les communes des métropoles qui présentent des enjeux de délinquance continus avec ceux de la ville-centre.

La volonté de la Cour des Comptes de sortir de cette logique de mille-feuilles territorial est louable. Mais ce bon sens, hélas, ne tient pas compte des réalités de terrains. Intérêts politiques et volonté de maintenir un statu quo l’emportent souvent sur une rationalité qui serait pourtant gage d’économies des deniers publics et d’efficacité dans le traitement de la délinquance.

Nicolas LEREGLE

Directeur de la rédaction

Auteur / autrice

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