Un accord pas si favorable aux Algériens ?
Dénoncer un tel accord pourrait avoir des conséquences plus graves pour les relations entre les deux pays. « La dénonciation officielle de l’accord – modifié ultérieurement – pourrait peut-être faire revenir aux pratiques de l’accord d’Evian de 1962, qui prévoyait une libre circulation entre l’Algérie et la France et donc permettait aux Algériens de rentrer en France sans visa. Par ailleurs, la dénonciation de l’accord pourrait entrainer la remise en cause d’autres accords qui sont indirectement liés : Entraide judiciaire en matière pénale avec l’Algérie ou encore La convention franco-algérienne relative à l’exequatur et à l’extradition du 27 août 1964 », rappelle Rym Boukhari-Saou. « Inversement, l’accord algéro-français est beaucoup plus favorable aux Français qui souhaitent s’installer en Algérie, que le contraire. Les Français peuvent obtenir des visas beaucoup plus facilement que les Algériens en France. »
Une question politique-diplomatique
L’accord franco-algérien de 1968 suscite des critiques en France mais au-delà de cet accord juridique il existe de nombreuses tensions d’ordre politique et historique. « La question n’est pas uniquement l’accord franco-algérien en tant que tel mais aussi les tensions liées à l’histoire entre la France et l’Algérie. Ainsi, soit on dénonce l’accord de manière unilatérale, ou bien on le modifie à partir d’un dialogue entre les deux pays », interpelle maître Boukhari-Saou. « Dénoncer un accord représente un message fort sur le plan politique mais avons-nous intérêt à couper les relations franco-algériennes ? Notamment au regard des millions d’Algériens qui vivent en France et des Français d’origine algérienne, au regard des relations commerciales et des différents liens qui unissent les deux pays. Si l’on dénonce l’accord franco-algérien autant dénoncer l’accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ou encore l’accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié, car les Tunisiens peuvent par exemple bénéficier à la fois de l’accord franco-tunisien mais aussi du Code de l’entrée et du séjour des étrangers. Peut-être serait-il pertinent de permettre aux ressortissants algériens de bénéficier eux aussi du régime générale (CESEDA) sur les questions non traitées par l’accord franco-algérien ? », questionne-t-elle.
Après une indépendance ayant fait couler beaucoup de sang, les tensions restent vives entre la France et l’Algérie. « Les relations franco-algériennes sont aussi régies par une question historique, une question de mémoire. Pendant la colonisation, l’Algérie n’était pas un protectorat, il s’agissait de départements français au même titre que le Var ou les Bouches-du-Rhône. » C’est ce qui explique la lourdeur qui entoure la question de l’avenir de l’accord de 1968.
Le régime des OQTF en ligne de mire
Les Obligations de quitter le territoire français (OQTF) sont-elles assez appliquées ? La question fait l’objet de vifs débats dans le champ politique et leur application réelle fait souvent l’objet de dénonciations car elles seraient peu appliquées. « Le régime des OQTF dépend du régime général applicable à tous ceux qui se voient refuser leur titre de séjour et dépend de la loi et non-pas de l’accord de 1968 », rappelle Rym Boukhari-Saou.
En ce qui concerne l’Algérie, certains consulats « ont pu être réticents, il y a 10 ou 15 ans, à donner des laisser-passer permettant de reconnaître et de reprendre ses ressortissants, car certains ressortissants étrangers – marocain ou égyptien – pouvaient se faire passer pour Algériens. Toutefois, les consulats algériens sont aujourd’hui les premiers à émettre des laisser-passer et souvent en plus grand nombre que d’autres pays », conclut l’avocate.