Entretien avec Eric Bonnet, ancien chef de section NRBC division parachutiste
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Entretien avec Eric Bonnet, ancien chef de section NRBC division parachutiste

par | À la une, Innovation/international

Quel défi représente la menace biologique au regard des enjeux de sécurité publique ?

C’est un défi majeur dont on se demande comment les autorités peuvent le traiter tant il est complexe. Il existe bien en France des plans d’urgence, comme pour toutes les menaces NRBC, mais leur mise en application semble irréalisable, en cas d’atteinte à grande échelle. Les moyens matériels comme humains manquent. Nous sommes organisés comme un pays en temps de paix avec les moyens d’un pays non-menacé par un potentiel ennemi.

Comment cette menace est-elle prise en considération par les pouvoirs publics ? Militaire ou sécuritaire ?

Avant l’effondrement de l’URSS, la réaction à la menace biologique (virus et bactéries) était bien planifiée avec des stocks de matériels, dont des masques répondant aux besoins, des équipes NRBC de l’Armée de Terre réparties sur tout le territoire, des plans pouvant être déclenchés avec efficacité. La conscription militaire répondait aux besoins de protéger la population. L’école de Défense NRBC à Caen était une fierté française où des stagiaires étrangers venait s’instruire. Dès la fin des années 1990 avec la disparition de la menace soviétique et la suspension du service militaire qui en a découlé, l’armée s’est « délesté » de la majorité de ses matériels de défense NRBC. L’école de défense NRBC a été dissoute, les matériels des régiments ont été jeté à la casse, les stocks de matériels destinés à la protection de la population plus ou moins suivi, puis finalement non renouvelés comme l’a si bien démontré la crise COVID. La pandémie a été gérée sans le concours de l’armée, sans réelle organisation par manque de moyens, ne serait-ce qu’humains. Après la crise et les 160 000 décès en France, le pays n’est pas pour autant mieux préparé pour faire face à une autre crise … toujours par manque de moyens humains et matériels.

L’armée dispose d’équipes de défense NRBC de qualité mais ne répondant qu’à ses propres besoins en cas de conflit de basse intensité (mais sans pouvoir réagir au profit de la population en cas de dissémination volontaire de produits biologiques). Seule la guerre en Ukraine a réveillé les consciences mais il faudra encore des années avant de disposer de moyens à la hauteur de la menace biologique, comme il faudra des années pour restructurer une armée pouvant s’impliquer dans une guerre de haute intensité comme celle d’Ukraine.

Comment se prémunir contre les attentats biologiques ? Comment anticiper la menace ? Comment préparer les populations ?

L’attentat biologique est insidieux. Un virus rentrant sur le territoire national par un porteur « sain » peut se transformer en virus et mener à une pandémie en plusieurs jours, mois ou années après. Tout est possible et la science-fiction est loin d’imaginer tous les scénarios possibles.

La seule prévention est de réaliser une veille sanitaire pour réagir, ce que l’Etat suit avec efficacité, et contenir une contagion affectant la population. Mais même en cas d’application d’un plan « pandémie », ce seront toujours les moyens humains et matériels qui manqueront. En l’absence de réels moyens, il faudra être au moins satisfait de limiter les pertes au sein de la population.

La meilleure des préventions serait d’entretenir une diplomatie éclairée avec les nations disposant des capacités à utiliser l’arme biologique ou ayant des capacités à contenir de potentiels terroristes.

La préparation de la population reviendrait à la sensibiliser sur le risque d’utilisation de l’arme biologique ou de la survenance d’une pandémie « naturelle » et des réactions individuelles et collectives à adopter. Pour cela, autant rétablir le service national.

Quel est le point commun entre ces quatre menaces ? Quelle serait la plus dangereuse à court terme ?

Nous nous sommes focalisés sur la guerre en Ukraine sans nous soucier de nos intérêts français en Afrique, que nous avons finalement perdus. La menace nucléaire avec les nouveaux détenteurs de l’arme, le non-respect des traités entre puissances nucléaires, retiennent toute notre attention. Le monde craint la destruction massive sur ses populations. Les deux grandes puissances qui détiennent 90% des armes nucléaires, USA et Fédération de Russie, semblent vouloir reprendre leur leadership, revenant à l’ordre nucléaire de la guerre froide. Nous nous focalisons sur le risque nucléaire alors que celui biologique n’est pas à l’ordre du jour. La principale raison est qu’il est actuellement ingérable.

Le point commun entre tous les risques NRBC est qu’ils sont difficiles à cerner et donc à anticiper et à gérer. Excepté pour quelques spécialistes, le vocabulaire s’y rapportant est déjà mal connu. Irradiation, contamination, intoxication, sarin soman, épandages, missiles stratégiques, virus, zones de retombées et zone sous le vent, etc. ont tous des significations différentes et concernent un domaine du NRBC et pas un autre. Et c’est déjà difficile de s’y retrouver pour un non initié et donc de comprendre la posture à adopter en cas de crise.

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