IHEMI : favoriser un dialogue entre les acteurs de la sécurité

25 avril 2025 | Sécurité générale

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IHEMI : favoriser un dialogue entre les acteurs de la sécurité

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Former, conduire des recherches, diffuser des connaissances. Par ce triptyque, l’Institut des hautes études du ministère de l’Intérieur (IHEMI) participe à casser les silos et à faire dialoguer les acteurs de la sécurité. Issus de différents services régaliens – police, justice – ou bien du secteur privé, tous les acteurs ont intérêt à échanger au profit d’une meilleure sécurité publique. Rencontre avec le directeur de l’IHEMI.

Après les JO, quelle situation sécuritaire en France ?

Les Jeux olympiques et paralympiques ont représenté un enjeu sécuritaire majeur de l’année 2024 en France. Christophe Soullez, aujourd’hui à la tête de l’IHEMI était alors au cabinet du ministre de l’Intérieur. « De l’avis de tous les acteurs, les Jeux olympiques 2024 à Paris ont été une réussite totale en matière de sécurité. Tous les services ont été mobilisés, d’abord les services de renseignement en amont, puis les différentes forces de sécurité intérieure sur le terrain. »

La nécessité accrue de sécurité a engendré des changements au sein des unités et du ministère de l’Intérieur. « Ce succès s’explique notamment par une mobilisation exceptionnelle de tous les fonctionnaires de police et militaires de la Gendarmerie suite à l’absence de prise de congés pendant une période relativement importante mais également grâce à une planification très rigoureuse, à une évaluation des menaces en amont et surtout à une très forte synergie entre toutes les parties prenantes. » Cette organisation est redevenue plus traditionnelle, se confrontant aux nouvelles évolutions des menaces.

Une évolution de la situation sécuritaire

La situation sécuritaire semble se dégrader en France depuis quelques années mais qu’en est-il vraiment ? « On constate d’abord, un durcissement et une professionnalisation accrue du trafic de stupéfiants depuis 15-20 ans avec de nombreuses organisations de plus en plus structurées et capables de recruter – notamment des mineurs – à l’extérieur de leurs territoires d’évolution. Il ne faut pas non plus omettre l’importance de la question de la corruption, aussi bien au niveau des acteurs publics que privés. La violence se banalise notamment pour ce qui est du recours aux armes ou à des méthodes de neutralisation de la concurrence : règlements de compte, menaces, séquestrations », détaille Christophe Soullez.  Les organisations criminelles, quant à elles, se professionnalisent et ont recours à de nombreux procédés comme la division des tâches et la corruption », détaille Christophe Soullez. « D’un point de vue sociétal, il faut aussi noter un phénomène de libération de la parole des victimes de violences sexuelles ou de violence intra-familiales, qui sont mieux révélées aujourd’hui, notamment grâce aux politiques publiques mises en place par l’Etat : amélioration de l’accueil, meilleure formation des policiers et des gendarmes, désignation de référents, campagnes de sensibilisation, etc. », partage-t-il. Et d’ajouter : « On observe aussi une relative stabilité de la délinquance crapuleuse (vol, cambriolage, etc) ; sur une très longue durée ces infractions auraient même tendance à diminuer.  indicateur aurait même tendance à diminuer. Sans oublier, une augmentation importante de toutes les problématiques liées au cyber : escroquerie sur internet, pédophilie, cybercriminalité, arnaques. Il s’agit d’un secteur en constante hausse. »

Casser les silos au profit de la sécurité publique

Grâce à sa structure singulière, l’IHEMI est un institut permettant de faire dialoguer les différents acteurs de la sécurité. « Ce qui fait l’ADN de l’institut, ce sont des formations dispensées permettant de mêler différents publics et profils : les cadres du ministère de l’Intérieur et les cadres des autres ministères ainsi que les cadres du privé. Il est important que des échanges aient lieu entre le public et le privé, afin de confronter les expériences, les compétences, afin d’atténuer parfois les incompréhensions qui peuvent exister entre les deux sphères. C’est de cette manière que l’IHEMI participe au continuum de sécurité publique », témoigne Christophe Soullez. Ces rencontres permettent de créer une synergie forte entre les acteurs et surtout de permettre à chacun d’expliquer ses pratiques, ses modes d’action mais aussi ses contraintes.

Renforcer la sécurité nécessite de développer la synergie public-privé. « La sécurité n’est pas uniquement l’affaire du ministère de l’Intérieur mais aussi celle d’autres ministères et d’une partie du secteur privé. Grâce à ces échanges, l’IHEMI offre un espace de dialogue, grâce aux sessions de formation, où l’on peut apprendre des autres. Ainsi, émerge une meilleure compréhension mutuelle des contraintes et, parfois, des idées originales peuvent aussi naître de ces rencontres », partage le directeur. L’IHEMI reste aussi un espace privilégié de formation continue au management et à la communication de crise pour les préfets et les sous-préfets.

Du recul et de la hauteur de vue

Par son espace de dialogue et de formation, l’IHEMI permet de prendre un peu de hauteur et contribue à améliorer les pratiques et à diffuser les savoirs. « Dans le cadre du cycle des hautes études, chaque auditeur planche sur un thème dispose d’une thématique donnant lieu à la rédaction d’un rapport, d’où des préconisations ou des recommandations peuvent émerger, y compris des constats dérangeants dans certains cas », explique Christophe Soullez. Cette mission est importante pour les acteurs de la sécurité qui peuvent ainsi s’en inspirer pour évoluer, pour modifier les pratiques ou pour améliorer leur organisation. « Lors d’un cycle de l’institut, un auditeur, issu de l’IGPN, est par exemple à l’origine du premier guide formalisé portant sur la méthodologie des enquêtes administratives pré-disciplinaires. Il n’existait pas de méthode clairement définie. L’auditeur a modélisé cette méthodologie dans son rapport, ensuite actée au sein de l’IGPN et qui a pu irriguer d’autres administrations. »

L’action de l’IHEMI se traduit par un dialogue régulier et une avancée progressive. « Par de petites touches, il faut participer à modifier certaines pratiques, à améliorer la façon de travailler », explique-t-il.

Le duo police-justice

Tous les experts et spécialistes sont unanimes, une bonne sécurité nécessite une justice forte et l’IHEMI apporte sa pierre en ce sens. « Le ministère de la Justice est systématiquement invité dans les formations que l’on dispense, avec des magistrats qui peuvent être amenés à intervenir et à s’exprimer. Il est très important qu’ils puissent exposer leurs contraintes. Je crois beaucoup au couple police-justice, une politique de sécurité ne peut pas réussir si les deux ministères ne travaillent pas main dans la main », partage Christophe Soullez en conclusion.

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