Jean-Paul Garraud : justice et sécurité publique

22 avril 2025 | Sécurité générale

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Jean-Paul Garraud : justice et sécurité publique

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Quel constat peut-on dresser de la situation de la justice en France en général ? Et de l’administration pénitentiaire en particulier ?

La justice en France se heurte à de nombreuses difficultés qui ne datent pas d’hier : un manque criant de moyens, des délais de traitement interminables avec une complexification croissante des procédures, un découragement des personnels de justice, une politisation militante du syndicat de la magistrature, des différences considérables au pénal entre les peines encourues,  les peines prononcées et les peines exécutées, une application des peines jugée trop laxiste, nourrissant ainsi une réelle impunité chez les délinquants et une réelle insécurité chez nos concitoyens. Ce ne sont plus des sentiments, ce sont des réalités.

À cela s’ajoute une administration pénitentiaire en crise depuis longtemps également confrontée à la surpopulation carcérale, au sous-effectif chronique de ses agents et à une gestion dangereuse des détenus, en particulier de ceux radicalisés et de ceux auteurs de trafics de drogue en bande organisée. Les personnels pénitentiaires sont à bout, leurs conditions de vie sont précaires et leur sécurité non assurée. Dans ces conditions les tensions et les violences s’intensifient derrière les murs des établissements pénitentiaires. La situation est proche de la rupture.

Comment renforcer la justice pour qu’elle prenne toute sa part dans le continuum de la sécurité publique ? (Police-justice)

Pour que la justice prenne toute sa place dans le continuum de la sécurité publique, elle doit se hisser à la hauteur des attentes de la nation et cesser d’être le maillon faible d’une chaîne qui doit garantir l’ordre et la protection des citoyens. Aujourd’hui, engorgée, sous-financée, décalée avec les réalités de terrain, en conflit larvé avec les forces de l’ordre, elle ne présente pas de réponses fermes et rapides à l’explosion des actes de délinquance.

Il faut tout d’abord lui donner tous les moyens de sa haute mission. Magistrats, greffiers, personnels pénitentiaires et de justice, moyens matériels, locaux etc… Ensuite, chaque crime, chaque délit appelle une véritable sanction pénale adaptée à la gravité de l’acte et à la personnalité de son auteur. Le sentiment d’insécurité, il doit être vécu par les délinquants et non-pas par les citoyens. Il faut redonner tout son sens à la peine. Celle-ci doit aussi avoir une valeur collective, celle de la protection de la société. Ensuite, il est impératif de resserrer le lien entre Police-Justice. Pour cela, tout dépend de ce que j’appelle la « certitude de la peine ». Pour l’instant, les peines sont – sauf exceptions – évanescentes,  légères, aménagées, fondantes , etc… La chaîne pénale est ainsi rompue alors que le continuum pénal exige, pour aboutir avec succès, que la peine soit certaine et effective.

Quel bilan tirez-vous de la rencontre avec le Garde des Sceaux du 5 mars dernier ? Pensez-vous que son action est pertinente pour lutter contre le narcotrafic ?

Dans quelques jours, la proposition de loi sur le narcobanditisme sera débattue à l’Assemblée Nationale. Nous verrons bien si le Garde des Sceaux a retenu les nombreuses propositions que nous avons faites. Nous voterons toutes les dispositions allant dans le sens d’une véritable répression de cette forme hyperviolente de la délinquance.

 Comment doit se traduire la lutte contre le narcotrafic au niveau de la justice ? Quelles adaptations éventuelles ?

La lutte contre le narcotrafic doit être menée à différents niveaux :

– Fin du laxisme judiciaire : mise en place de peines planchers, suppression des remises de peine, abaissement de la majorité pénale à 16 ans, sursis révoqué à la première récidive.

– Expulsion immédiate des criminels étrangers, suppression des aides sociales pour les familles de mineurs délinquants récidivistes.

– Tolérance zéro dans les zones de non-droit, reconquête des quartiers gangrenés par la drogue.

– Une police et une justice qui reprennent le contrôle face à la criminalité organisée.

– Série de mesures pour que les délinquants étrangers soient repris par leurs pays d’origine

Avez-vous reçu une réponse à votre question à la Commission européenne concernant les actes antichrétiens ?

J’ai déposé en février dernier une question écrite à ce sujet, car selon un rapport de l’Observatoire sur l’intolérance et les discriminations envers les chrétiens en Europe, 2 444 actes de violence antichrétiens ont été recensés en 2023, dont près de 1 000 en France, représentant 41 % du total européen. J’ai donc demandé à la Commission européenne d’intervenir en lien avec les États membres. Pour le moment je n’ai pas reçu de réponse, mais connaissant la capacité de la Commission européenne à éviter et à enterrer les vrais sujets, je me fais malheureusement peu d’illusion.

Quels sont les principaux enjeux à relever pour la justice dans les années à venir ?

La justice doit se transformer en profondeur pour répondre aux enjeux cruciaux de notre époque. Il s’agit d’assurer une efficacité et une rapidité indispensables afin de protéger nos concitoyens. Face à l’insécurité, au narcobanditisme et aux formes croissantes de délinquance, il est impératif de durcir la réponse pénale et de renforcer la coordination entre la justice et nos forces de l’ordre. Par ailleurs, la réforme du système pénitentiaire se révèle essentielle pour garantir des conditions de détention conformes aux exigences de sécurité et favoriser une réelle dissuasion de la récidive. Moderniser notre dispositif judiciaire n’est pas un luxe, mais une nécessité absolue pour restaurer l’ordre et la confiance des Français dans leur Justice.

Simon DOUAGLIN

Rédacteur-en-chef

L’Essor de la sécurité publique

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