Le trafic de stupéfiants en mer : nouvelle « multinationale du crime » ?

10 avril 2025 | Sécurité générale

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Le trafic de stupéfiants en mer : nouvelle « multinationale du crime » ?

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Économie illégale mais profitant des flux logistiques traditionnels et légaux de la mondialisation, les conséquences du trafic de stupéfiants sont nombreuses sur les populations, sur les Etats et sur les systèmes politiques, jusqu’à créer des narco-Etats. Dans son ouvrage, Thalassopolitique du narcotrafic international, Florian Manet aborde la question du trafic de stupéfiants sous l’angle de la mer, vectrice et accélératrice des flux : au profit des réseaux de trafic de stupéfiant, au détriment des acteurs légaux de la mer et imposant un défi aux autorités.

Une criminalité débridée

La menace du trafic de stupéfiants à l’échelle internationale se fait de plus en plus grande, colonisant progressivement les sphères de l’économie et de la politique, en profitant d’une économie globalisée. « Dévoyant les fondements socio-économiques conventionnels, il en exploite avec brio les atouts et les potentialités qui se trouvent démultipliées par le projet technologique et la libéralisation des échanges des hommes, des marchandises et des données », constate l’auteur.

Forte d’une manne financière quasiment illimitée, résultant des « marges bénéficiaires », les « narco-organisations » se réinventent sans cesse et profitent de l’innovation technologique pour protéger leur mainmise et poursuivre leur juteuse activité. « La numérisation inéluctable des opérations constitue un nouveau défi, partagé par l’ensemble des parties prenantes. Licites. Comme illicites », rappelle-t-il. Parmi ces innovations, on peut aussi voir l’émergence des drones sous-marins, le développement du cyber comme mode opératoire et les crypto-actifs utilisés comme monnaie de transaction privilégiée.

Conséquences socio-économiques : le trafic face aux Etats

Ces flux incontrôlés en provenance de la mer impactent les territoires, avec des conséquences graves sur la stabilité des Etats. La criminalité organisée « […] use de la corruption vis-à-vis des institutions publiques et des opérateurs privés. Cette stratégie de développement commercial entraîne un double processus de « criminalisation du politique » et de « politisation de la criminalité ». Le trafic des drogues a pour effet immédiat de gangrener et d’affaiblir la stabilité des institutions publiques comme privées. »

Ce constat amène l’idée que les Etats légitimes sont progressivement concurrencés – puis remplacés – par des Etats reposant sur le trafic de stupéfiants. « Cette situation de crise systémique est un terreau favorable à l’émergence de narco-Etats sur les ruines d’Etats failis. »

Partant d’une base nationale, les problématiques sont disséminées à l’échelle internationale en empruntant les voies maritimes.

Le vecteur maritime : voie de trafic par excellence

La logistique est la clé de voute du trafic de stupéfiants et, à ce titre, les voies maritimes globalisées offrent de nombreuses opportunités de connecter les aires de productions des aires de consommations. « […] Ces flux ne représentent qu’une infime partie des millions de conteneurs expédiés à travers le monde chaque année. Sur une liaison transatlantique, il s’agit au mieux de 10 conteneurs contaminés, soit 0,05% d’un porte-conteneur de 20 000 EVP », admet Florian Manet, qui ne minimise pas, toutefois, les menaces dirigées contre les zones portuaires. « De fait, les installations portuaires cristallisent de multiples tensions à la fois du côté des malfaiteurs que des services étatiques comme des compagnies privées.

L’enjeu nécessite donc de trouver des points de contrôles pour ces immenses espaces où sévit un trafic débridé. « […] Les espaces océaniques sont des voies d’acheminement privilégiées. Ils procurent un sentiment de sécurité offert par l’immensité océanique et des commodités logistiques, facilitant l’expédition d’un fret massifié. Ils sont, donc, parfaitement intégrés à la chaîne de valeur des substances illicites », partage Florian Manet.

Comment va évoluer le narcotrafic sur les mers ?

L’auteur constate une accentuation de l’activité avec des conséquences particulièrement alarmantes pour la paix sociale. « Une montée des tensions voire une radicalisation des comportements est actuellement observée à la fois dans les zones de production que sur les marchés de consommation. »

Dans ce contexte, Florian Manet émet plusieurs propositions concrètes, destinées à endiguer les réseaux de trafic de stupéfiants, à l’instar du développement et du partage du « renseignement stratégique au bénéfice des services répressifs sur les évolutions prévisibles en matière d’architecture logistique maritime et portuaire, de pratique du shipping et de la plaisance et des nouveaux modes de transport maritime », ou de la création d’un « Office judiciaire de la mer agrégeant les capacités judiciaires de la Gendarmerie maritime avec les autres membres de l’Action de l’Etat en mer et en cheville étroite avec les acteurs privés, désireux de plus de protection. »

En somme, il semble illusoire de vouloir contrôler les espaces maritimes, en revanche la solution réside probablement dans la conjugaison du couple renseignement/répression. Récolter et analyser l’information pour mieux agir de manière chirurgicale … et que l’épidémie en mer ne touche pas les Etats à terre.

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